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Ecole et cabrioles

Vivre la Semaine Sainte

, 19:03pm

Cette traduction personnelle est tirée du livre "The Child in the Church", de Maria Montessori et de certains de ses collaborateurs. Ce passage décrit comment la Liturgie est enseignée à l'école Maria Montessori de Rennes. Ecrit par M. et F. Lanternier. Veuillez m'excuser par avance de certaines mauvaises tournures.



La pensée de Maria Montessori est universelle. Elle ne s'adresse pas seulement aux éducateurs catholiques et protestants, ou à une religion en particulier. Elle s'adresse à toute personne dont l'intelligence est claire et suffisamment objective pour comprendre qu'en toute évidence l'enfant est  "le constructeur de l'homme" et c'est à ce titre qu'il doit être respecté.

Dans la religion, l'enfant est aussi "le constructeur de l'homme croyant". Le Dr. Montessori insiste sur la distinction fondamentale, ici, entre les facteurs syntropiques et entropiques. Le facteur syntropique est la religion basée sur la nature de l'homme, son besoin d'activité et d'expression spirituelle. Le facteur entropique est ce qui a besoin d'être appris ; cela dépend de l'éducation, mais aussi de l'histoire du Salut, qui n'est pas tant une croyance, ou un système théologique créé par la raison - qu'un Monde biblique et évangélique qui a été donné à l'homme par Dieu de manière continuelle, dans et à travers l'histoire : l'histoire du peuple d'Israël, l'histoire de Jésus Christ et l'hisoire de l'église primitive.
Nous pouvons ainsi comprendre la valeur et la portée du cycle liturgique. C'est à travers le cycle liturgique que l'histoire biblique et évangélique se manifeste ; cela nous oblige à la vivre et la revivre ; cela nous la révèle et nous imprègne de cette vérité - alors nos vies sont ainsi transformées.
Cette vérité, Montessori l'appelait la Vita in Cristo, la Vie en Jésus Christ. Le Nom de Dieu était incarné et vivait en nos vies, mourait sur la croix et ressuscitait le troisième jour afin que nous, de même, puissions passer par la mort du péché à la résurrection de notre vie en tant qu'enfant de Dieu. Le mystère de la mort et de la résurrection des chrétiens dans la mort et la résurrection de Notre Seigneur nous est enseignée spéciallement dans le cycle liturgique de Pâques (comme le Dr. Montessori l'a montré dans son étude remarquable du cycle liturgique).
Bien qu'il soit facile de transmettre l'idée de Noël aux enfants, le mystère de la Semaine Sainte semble moins accessible. Crêches et arbres de noël peuvent être trouvés partout, même dans les écoles séparées de toute forme de religion. Néanmoins, on peut se demander si cette crêche, ces sapins - même décorés de l'étoile de Bethléem - gardent réellement un sens, détachés comme ils le sont du contexte de l'Avent.
Il a été suggéré que l'on attende, pour présenter le mystère de Pâques,que les enfants soient plus matures. Quelle fausse idée de la foi et de la compréhension que peut avoir un enfant !



Semaine Sainte
Le matin du samedi de la semaine de la passion, aux alentours de 10h30, les enfants étaient rassemblés. Puisqu'ils avaient déjà été préparés par les leçons sur le Carême, une proposition simple leur est faite :
"La Semaine Sainte et la semaine dans laquelle les chrétiens rappellent les évènements qui ont pris place durant les trois derniers jours de la vie de Notre Seigneur sur la terre. Nous pouvons consacrer cette semaine qui arrive à une vivante commémoration de cela ; ou nous pouvons reprendre notre travail comme si la Semaine Sainte n'avais jamais existé".
La réponse unanime qui  jaillit du coeur de ces enfants (plutôt que de leur bouche) est : "Nous voulons vivre la Semaine Sainte ! "
Quand on réalise que cette réponse est entièrement  spontanée de la part de vrais enfants montessoriens, on comprend que leur enthousiasme rappelle l'épisode de l'Evangile - quand les gens dans le Temple demandent au Christ de faire taire les enfants et qu'Il répond, "à travers la langue des enfants et des tout-petits, tu as composé un hymne de louange".



Le décor est planté
Le lundi de la Semaine Sainte, les tables et chaises de travail sont poussées contre les murs. Il reste une grande place vide. Dans cet espace les divers sites historiques sont installés dans la position la plus authentique : Béthanie, la maison d'Anne, le palais de Caïphe, le palais d'Hérode, le Calvaire, le Cénacle et le jardin des Oliviers. Enfin, au centre, sur une table d'environ 15 pieds de diamètre, est assemblé le Temple. Il est fait en sections de bois que les enfants ont peints en classe d'art et qui a été construit par un charpentier (le père de l'un des élèves) suivant un plan détaillé.
Tous les enfants travaillent ensemble pour monter le temple, qui a volontairement été construit de la manière la plus simple possible - et cette activité définit l'état d'esprit pour les jours à venir.



Les acteurs
Au milieu de ce décor sont placés les acteurs ; quelques 200 figures découpées dans du bois sont regroupées dans les bâtiments du Temple et dans les rues.
Il y a les personnages mentionnés dans les Evangiles - de la femme qui oint les pieds de Notre Seigneur à Joseph d'Arimatie.
Ils sont apportés, chacun leur tour, que ce soit un personnage unique (la veuve apportant son offrande) ou bien un groupe de personnes (les scribes, les saducées, les soldats romains ou encore les servants du Temple). Chacun sert à clarifier les évènements à la fois historiquement (incarnés dans le temps) et mystiquement (éternels) à travers lesquels le Christ s'est révélé à nous.



L'action
Qu'est-il réellement en train de prendre place, à travers ce cadre et l'utilisation de ces figures ? Si l'on s'en tient au calendrier dans l'annexe qui suit de près la synopsis du Père Lagrange, dans la mesure où le temps le permet, les évènements des Evangiles sont représentés. Il faut adhérer religieusement à ce texte - sans invention, modification ou ajout. Les enfants le suivent avec un intérêt implacable - même les plus difficiles passages de la messe du Jeudi Saint ou le discours après la dernière Cène.
Pour tout rendre complètement compréhensible aux enfants, qu'est-il nécessaire encore ? Embellir le dialogue entre les divers personnages, afin qu'ils se présentent et disent ce qu'ils font là. Ici, par exemple, sont les Saducéens qui viennent questionner Jésus sur la résurrection d'entre les morts. Avant l'apparition de Jésus sur scène, cela serait utile de les faire discuter sur les croyances des Saducéens, afin qu'ils soient bien fixés dans l'esprit de notre audience.

Un changement de rythme est souvent nécessaire. Il est bien de caractériser certains personnages du drame en termes comiques - pour montrer leur seule motivation politique ou leur incapacité à comprendre les aspects mystiques et transcendants de ce qui est en train de se passer.
Il sera facile à comprendre que les acteurs de ce drame jouent le role d'un microcosme. Et cela, spéciallement à partir du Jeudi Saint, si les choses ont été bien dirigées, une ville entière est venue à la vie - couches sociales, hommes et idées, en action et réaction, jouant tous leur rôle historique. Ainsi, petit à petit, sous l'oeil des enfants, le drame entier de la Passion commence à se révéler.



La vie des enfants à l'intérieur de ce cadre
C'est merveilleux d'observer comment 120 enfants organiseront leurs activitées durant la semaine. Ils forment des groupes ; certains arrangent les acteurs, d'autres travaillent les maquettes et la scène ; il y a ceux qui lisent les passages appropriés de Lagrange ou des Evangiles ; les plus petits écrivent les noms des personnages impliqués, dans un cahier ou sur le tableau ; ceux qui ont moins de trois ans participent seulement au montage du Temple - ils ne reviendront pas avant le dimanche de Pâques. Cependant, tous les enfants de plus de 4 ans participeront à la commémoration de la Semaine Sainte.
Au moment indiqué dans le plan de la journée, un signal est donné - quelques notes jouées au piano ou sur les clochettes - et soudain de tous le dans son intégralité, mais il est aussi joué par les enfants à l'aide des figurines en bois. Un nouveau monde est en train de naître.
Certains enfants retournent à leur place, continuer leur travail. S'ils semblent indifférents à ce qui se passe, regardez avec plus d'attention. De temps en temps jaillit une exclamation qui nous indique à quel point ils suivent la lecture avec attention.Les plus petits passent à travers les jambes des plus âgés pour atteindre le premier rang. Leurs yeux grands ouverts, leurs oreilles attentives ne manquent rien.
Des anciens reviennent pour la semaine sainte, amenant des amis avec eux ; d'étranges enfants entrent et sortent de l'école.



La place de la Liturgie
Il reste une question : comment la liturgie concorde dans ce drame - par dessus tout, quelle part de la liturgie du rite de Pâques faudra-t-il jouer ?
La transposition se fait sans difficulté. Il n'y a qu'un pas à faire entre l'épisode de "l'homme à la cruche" devant la maquette qui représente la maison du Cénacle, à la préparation du Saint Sacrifice de la Messe dans l'église où la liturgie du Jeudi Saint sera célébrée. Une maîtresse qui connaît et aime les enfants peut lier les deux avec une simple remarque.
Et si la récitation du Synopsis lie le Lavement des pieds et la Première Communion des apôtres comme une partie intégrale de la Dernière Cène, comme il sera facile de le rendre vivant - non en lisant lle Synopsis, mais par une véritable participation à la cérémonie que la nouvelle liturgie appelle "l'eucharistie"...
Une dévotion comme le Chemin de Croix devient davantage vital et profond pour les enfants lorsqu'il est joué avec les figures de bois. Ils peuvent alors comprendre la solitude de Jésus au milieu de la foule hostile.



Les stations de la Croix
Enfin, je suggère que nous accompagnions les enfants à travers les stations du Chemin de Croix du Vendredi Saint. Si l'on ajoute au rituel habituel la récitation du Synopsis - constituée des Sept Derniers Mots - une atmosphère d'actualité est obtenue, qui est presque impossible à décrire.
Les Stations s'achèvent sur la mise au tombeau. La pierre a été roulée à l'entrée du tombeau. C'est fini. Aucun mot supplémentaire n'est dit. Nous partons. La vie terrestre de Jésus s'est achevée.



Samedi Saint
Les enfants plus âgés accompagneront leurs familles aux dévotions de l'après-midi ; et le jour suivant ils reviendront à l'école. Alors, immédiatement, la position des gardes autour de la tombe du Christ prendront la note appropriée. Alors que tout semble statique, les acteurs sont toujours en place. Ici, on peut voir Anne ; là Hérode ; là encore, Pilate sur le siège du jugement ; là-bas, Judas... la foule est partout. A Béthanie, la vie continue comme avant. Mais Jésus n'y est plus... Jérusalem est une cité morte.



La Vigile Pascale
Mais les plus âgés des enfants savent très bien qu'ils sont attendus à 23h pour un mystérieux évènement - dont personne ne parle, mais dont tout le monde est conscient.
Une église a été choisie. Les enfants y pénètrent, joyeux, entrant complètement dans l'esprit de la liturgie.
Premièrement, il y a le mystère du Feu Nouveau, et ensuite de l'Eau Nouvelle. Après la Messe, on donnera à chacun un peu de cette Eau Nouvelle ; et chacun allumera sa bougie au Cierge Pascal, qui sera apporté, en conservant prudemment sa flamme, à l'école.
La Vigile Pascale est achevée. La foi intense avec laquelle les enfants ont participé aux rites montre bien la manière avec laquelle ils y ont été préparés.



Dimanche de Pâques
Mais qu'en est-il des enfants plus petits ? Ils rejoindront le reste de l'école à 11h le dimanche de Pâques.
Ils trouveront alors un décor entièrement nouveau. Au lieu de la nappe pourpre sur l'autel dépouillé de fleurs, il n'y aura que du blanc et du lumineux. Comme des sentinelles, reposent les petites bougies qui ont été mises ici ce jour-là. Au milieu d'elles, le pichet de faïence contenant l'Eau Nouvelle qui a été rapportée de l'église. Au dessus de tout, le Cierge Pascal, symbolisant la lumière de Dieu. Dans la semi-obscurité de l'arrière plan, la Croix demeure, mais elle a été transfigurée par la lumière de la Résurrection.
Alors, la bonne nouvelle de la résurrection est lue - avec tout l'étonnement et l'incrédulité qui peuvent être attendues d'un tel évènement.
Les bougies sont alors allumées une par une, pour nous rappeler tout ce par quoi nous sommes passés : les Cendres, le Carême, le jeûne, et finallement l'illumination du Cierge Pascal.
Le Temple est montré avec sa foule. Le laisser là serait aller à l'encontre de l'histoire et enlèverait quelque chose de la réalité de la résurrection de notre Seigneur. Alors sautant sur plusieurs décennies, l'histoire de la prise de Jérusalem et de la chute du Temple est lue. Le mur des lamentations, les ruines de la ville, et, au milieu de ces ruines, une grande Croix est dressée - symbole de la mission éternelle de Pierre et Paul et de l'Eglise.
C'est la fin.



Ayant vu la Lumière se refléter dans tous ces jeunes yeux, ayant entendu ces voix chanter l'Alleluia, nous, adultes, pouvons donner un sens spécial à la véritable JOIE de Pâques.